vendredi 3 octobre 2014

Extrait 4


Pour vous chers lecteurs un nouvel extrait :


Elle reprit connaissance au contact d’une main fraîche et apaisante sur son front. Comment était-elle arrivée dans cette chambre aux murs peints à la chaux, avec pour seul ornement un immense crucifix en bois d’olivier ?
Elle n’eut pas le loisir de poser la question. La douleur, un instant oubliée, revint imprimer sa marque comme un fer chauffé à blanc. Une tenaille géante enserrait ses flancs, lui lasserait les reins, relâchait doucement sa pression pour mieux pousser contre son bas-ventre cette boule de chair chaude et dure qui lui fendait le corps en deux. Un gémissement de bête blessée s’échappa de ses lèvres desséchées. Dans un semi-coma, elle perçut une voix lointaine qui avait du mal à se frayer un chemin jusqu'à sa conscience.
– Dieu merci, la voilà revenue à elle ! Crie, ma belle, si ça te soulage ! Moi, ça ne me gêne pas pour faire mon travail.
Marietta entrouvrit les paupières et découvrit une jeune femme au regard noisette et au sourire rassurant, penchée sur elle. Elle lui bassinait les tempes d’un linge humide à la senteur âcre et vinaigrée, mais dont la fraîcheur était agréable.
Le bien-être éprouvé fut de courte durée. À nouveau, son ventre se tordit, s’enflamma, ondula comme un reptile géant déformé par sa proie. Elle se mordit les lèvres jusqu’au sang pour ne pas hurler.
– Allez, ma belle ! Vas-y, pousse ! Pousse encore, encore ! reprit la voix inconnue.
– Faites ce qu’elle vous dit, encouragea la jeune femme à ses côtés en lui prenant la main. Vous pouvez avoir confiance, Jeanne a mis au monde la presque totalité des enfants du village.
Le ventre en feu, Marietta était prête à suivre toutes les directives, dussent-elles émaner du diable en personne, pourvu que cesse son calvaire. Elle avait l’impression qu’une main de fer fouaillait ses entrailles et que son ventre allait éclater comme un fruit trop mûr, gorgé de soleil.
Elle prit une profonde inspiration et poussa de toutes ses forces, enfonçant ses ongles dans la chair tendre de sa compagne.
– C’est bien ! la complimenta la voix sans visage. Encore un petit effort, tu y es presque… Allez, respire un bon coup et… pousse ! Encore… Encore…
Marietta planait dans un état second. Seuls parvenaient à sa conscience les injonctions et les encouragements de la voix rocailleuse qui la guidait sur le chemin de la délivrance. À sa demande, elle poussait, haletait, respirait, poussait encore, avant de retomber inondée de sueur, le corps rompu par tant d’efforts infructueux.
On allumait les chandelles dans la chambre aux volets clos sur la nuit, quand enfin son ventre meurtri expulsa une petite chose douce et ronde qui poussa un cri vigoureux de protestation.
– Te voilà maman d’un solide gaillard, déclara la voix familière en déposant un petit être chaud et vibrant sur son sein.
Marietta ouvrit les yeux et découvrit, enfin, celle à qui elle devait tant. Une femme au visage rond et jovial, à la chevelure grise ébouriffée lui souriait d’un air complice. Ses yeux bleus, délavés par le temps, la couvaient d’un regard bienveillant.
– Merci, murmura Marietta, épuisée.
– Pas de quoi, ma fille ! répondit la femme. C’est toi qui as fait tout le travail. Je n’ai fait qu’aider un peu la nature, c’est tout ! Repose-toi, maintenant. Tu l’as bien mérité. Ce petit bougre nous a donné du fil à retordre !


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